mardi 22 juin 2010

INTRODUCTION


Le Cinéma a toujours été le résultat d'une hybridation. Michael Jackson fut le parangon de l'hybridation artistique moderne, créateur d'un cocktail musical explosif fait de pop, de rock, de soul et de funk, il dépassa cette fusion des genres pour s'engouffrer dans une fusion inédite des mediums. Parce qu'il en avait les capacités, il fut le créateur d'un objet artistique d'un nouveau genre et quasi unique dans l'histoire de l'audio-visuel où textes, musiques, chorégraphies, interprétation, mise en scène de l'image filmée et son montage eurent pour source principale un même artiste. Il faut donc commencer par tordre une des vérités couramment admises selon laquelle Michael Jackson serait une, voir la plus grande figure du vidéo-clip : si l'on se penche de plus près sur la question il n'est pourtant pas possible de parler de vidéo-clip concernant des œuvres comme Thriller (John Landis, 1983), Bad (Martin Scorcese, 1987) ou Ghosts (Stan Winston, 1997). Pour la simple et bonne raison que ces œuvres ne rentrent pas dans la definition même du terme : "Video" signifie que le format de tournage utilisé est le format vidéo suivant l'idée que la plateforme de diffusion quasi unique du vidéo-clip est la télévision, et aujourd'hui internet. "Clip" vient d'un faux anglicisme signifiant "extrait" ou "couper" ainsi il incorpore dans son appellation la coupe, acte fondateur du montage. Il s'agit donc d'un vidéo montage le plus souvent construit à partir d'une musique ou d'une chanson dans le but de promouvoir un album ou un artiste. Bien qu'il ne soit pas question de nier la fonction promotionnelle première de ces réalisations audio-visuels le video-clip comme les œuvres de Michael Jackson entrent "dans une zone floue entre marketing et l'experience esthétique"[1]. Or si la star est à juste titre présentée régulièrement comme celui qui a révolutionné la forme du vidéo-clip il ne peut être le meilleur représentant de la forme qu'il a lui même pourfendé. La plupart des productions Jackson sont tournées sur support pellicule 35 mm, pour la plupart au format cinéma 16/ème. Il s'agit de réalisations scénarisées avec "un début, un milieu et une fin", comme aime à le répéter l'artiste et pouvant durer jusqu'à 49 min. Certaines de ces productions ont eu pour mode de diffusion premier un écran de Cinéma comme Speed Demon (Jerry Kramer & Will Vinton,1989), Leave Me Alone (Jim Blashfield, 1989), Smooth Criminal (Colin Chilvers, 1988), Ghosts (projeté au Festival de Cannes en 1997) ou encore Captain EO ( Francis Ford Coppola, 1986). Ce dernier fut d'ailleurs réalisé autour d'une chanson inédite, composé spécialement pour le film et présente sur aucun des albums du chanteur, sortant donc complètement du principe promotionnel du vidéo-clip. Réalisés par les plus grands noms du Septième Art (Martin Scorcese, Francis Ford Coppola, David Fincher, Spike Lee, etc), faisant intervenir les acteurs les plus prestigieux d'Hollywood ( Marlon Brando, Angelica Huston, Joe Pesci, Vincent Price, etc ) et utilisant le plus souvent les méthodes de production et parfois de diffusion du cinéma traditionnel, il est préférable de considérer ces productions comme de véritables films appartenant à une conception élargie de l'histoire du Cinéma. L'intéressé utilise à ce propos le terme de "Short Film", Michael Jackson est l'auteur des courts et moyens-métrages musicaux les plus inventifs de ces 30 dernières années.

L'avènement du vidéo-clip arrivant au moment même où le genre des comédies musicales au cinéma s'éteint à la fin des années 70, il sera nécessaire de replacer Michael Jackson dans une histoire de la comédie musical noir américaine et de mettre en lumière sa filiation avec certains tap-dancers légendaires dont il se réclame ouvertement. Il faudra découvrir d'où vient cet amour du cinéma chez le petit Michael et nous verrons de quelle manière le jeune Michael Jackson a utilisé la télévision comme laboratoire d'expérimentation pour ses futurs films musicaux.

On ne peut douter que c'est sa première expérience cinématographique sous la direction de Sidney Lumet sur le tournage de The Wiz (Sidney Lumet, 1978), version "All Black Casting" du Magicien d'Oz, qui déclencha chez Jackson des envies de grandeur, le besoin de voir sa musique prendre la voie du grand écran. Les apparitions de l'artiste sur le grand écran n'ont pourtant jamais été très concluantes, touchant parfois même au ridicule dans Men In Black 2 (Barry Sonnenfeld, 2002), Miss Cast Away (Bryan Michael Stoller, 2004) comme si le cinéma lui disait : ce n'est pas ta place. En témoignent les innombrables projets de longs-métrages tombés à l'eau et la création de sa société de production de films Neverland Pictures qui réussira l'exploit de ne sortir aucun film. Il devait jouer le rôle de Peter Pan dans le film Hook de Steven Spielberg, mais aussi le rôle d'Edgar Allan Poe, de Dorian Gray, toutes ces tentatives se termineront sur un cuisant échec. Il est important d'intégrer ce "rejet" au premier abord pour comprendre ce besoin qu'aura Jackson de courir après le cinéma tout au long de sa vie dans ses courts-métrages.

L'un des principaux objectifs de Michael Jackson fut d'essayer inlassablement de tirer à lui le cinéma dans sa totalité ! Se réclamant d'un héritage cinématographique incroyablement large, allant des comédies musicales de Minelli et Astaire à West Side Story, des films horrifiques réalistes de Romero à Stephen King, de Charlie Chaplin à Walt Disney, sa filmographie regroupe absolument tout les genres du cinéma : du film d'horreur au film d'animation (Speed Demon), du péplum (Remember the Time, John Singleton, 1992) au documentaire (Man In The Mirror, Donald Wilson, 1988) en passant par la Science-Fiction (Captain EO, Scream, Mark Romanek, 1995), le film de gangster (Smooth Criminal, You Rock My World, Paul Hunter, 2001) et même le méta-film (Liberian Girl, Jim Yukich, 1989). Il s'agit moins pour Jackson d'apposer des références cinématographiques ici et là que d'appartenir à cette grande histoire du Cinéma. Il va alors appliquer à ses films ce qu'il a fait avec sa musique, une synthèse parfaite des genres. L'attitude de Michael Jackson, en tant que cinéphile absolue qu'il est, est de poser à travers ses films un regard sur le cinéma. C'est bien sur la marque des grands auteurs, ainsi il se laisse souvent prendre au jeu du maniérisme comme dans son film Beat It (Bob Giraldi, 1983) où il "répare" l'erreur fatale de West Side Story. Michael Jackson au travers de son œuvre nous raconte une histoire du cinéma.

En tant qu'artiste et auteur, plus social que politique, Jackson utilise le medium filmé pour faire passer des messages forts. Et nous verrons comment ses films Billie Jean (Steve Barron, 1983) et Thriller sont devenus de véritables armes à faire tomber des barrières sociales de façon massive et durable. Nous reviendrons donc sur la place des artistes noirs dans les années 80 et expliquerons comment Michael Jackson leur a montré la voie avec Thriller. Il ouvrit la porte de tous ces damnés de la musique noire, c'est la sortie au grand jour de ces minorités invisibles, ce refoulé de l'Amérique blanche dirigeante qui pensait que le public ne voulait pas voir d'artiste de couleur sur leur écran de télévision. Thriller est un véritable manifeste sur le sujet. Il est évident que bien avant Obama, Michael Jackson aura été le plus grand représentant de la cause noire et de l'unification des peuples par l'unique effet de son succès phénoménal.. Plus tard, l'engagement des messages de Jackson se radicalisera lors de sa collaboration avec Spike Lee notamment.

Tout au long de sa filmographie, Michael Jackson s'est construit un personnage à la fois unique et à multiples facettes, évoluant de film en film, de la chaire organique en putréfaction de Thriller en 1982 à la lisse esthétique numérique de Ghosts quinze ans plus tard, obsédé par la transformation, la dématérialisation et jusqu'à la disparition physique. Son rapport au corps et à son apparence ayant toujours été problématique tout au long de sa vie, il est inévitable de constater à quel point la question du corps demeure le thème majeur de toute sa filmographie. Dans ses films comme dans son art de la danse, Jackson tente de mettre la réalité à l'épreuve. Le personnage Michael Jackson est en mouvement perpétuel, dans un état de métamorphose permanent, comme un long, très long fondu enchaîné. Ni noir, ni blanc ; mi-homme, mi-femme ; ni mort, ni vivant ; mi-homme, mi-dieu ; Michael Jackson fantasme l'entre deux. Se vivant lui-même comme personnage de cinéma et faisant de sa vie le plus grand spectacle jamais conçue, nous verrons de quelle manière la fiction et la réalité se sont mélangées au point de devenir indissociable encore aujourd'hui. Il y a eu un avant et un après Thriller, et Michael Jackson a subi l'évolution du Cinéma de ses dernières années. Des effets spéciaux organiques de putréfaction et dégoulinants de Thriller à la lisse esthétique de Ghosts, l'homme en chair et en os a progressivement été remplacé par son effet special à l'écran comme à la ville. Il deviendra dans sa vie le personnage fictionnel qu'il s'était crée et c'est dans sa mort, par la réelle disparition de son corps qu'il deviendra un véritable personnage de Cinéma dans le film Michael Jackson's This Is It (Kenny Ortega, 2009).

Nous allons tenter de percevoir pour la première fois les films de Michael Jackson sous un angle purement cinématographique et considérer cet artiste complet comme un cinéaste à part entière. Nous traiterons les différents aspects d'une filmographie qui apparaît aujourd'hui très cohérente dans son évolution et sa conclusion. En abordant à la fois éléments biographiques, filiations artistiques, analyses filmiques et en s'appuyant de façon concrète sur des archives photographiques, sonores et vidéos nous allons tenter de comprendre le mieux possible ce qui fait l'essence de l'œuvre filmique que Michael Jackson nous a laissé.





[1] Le vidéoclip : nouveau médium de masse pour les archives, Marie-Lyne Hadassa Olibris, Stéphane Bricault. LIEN SOURCE

I - 1. - a)

I. MICHAEL JACKSON, UN REVE DE CINEMA


1. Replacer Michael Jackson dans une histoire des performeurs noirs americains de la comédie musicale


a) Les comédies musicales noires hollywoodiennes dites "All Black Casting"

Il fut une époque en noir et blanc. Une époque où noirs et blancs étaient séparés à l'écran comme à la ville. Au début du siècle, il existait aux Etats-Unis quelques centaines de salles de Cinéma dites "Colored Movie Houses" appartenant et gérées par des Afro-américains pour un public Afro-américain. Le public noir ne pouvait se rendre que dans ces salles spécialisées pour voir les "Race Films" et "All-Black Cast movies" qui, comme leur nom l'indiquent, étaient des films dont la totalité du casting était noir, ainsi que le réalisateur et la totalité du reste de l'équipe. Ces films étaient faits par des producteurs indépendants noirs pour un public noir. A cause de leur exclusion de l'industrie principale, des réalisateurs indépendants comme Oscar Micheaux commencèrent à créer leurs propres maisons de production de films entièrement réalisés par des noirs américains. Oscar Micheaux est considéré aujourd'hui comme un pionnier du cinéma américain, mais il est surtout le premier cinéaste noir américain à s'être battu contre l'hégémonie de la blanche Hollywood en réalisant le premier film afro-americain The Homesteader (1919) et surtout Within Our Gates (1920) qui sont des critiques de l'emblématique et raciste The Birth of a Nation (D.W. Griffith, 1915). Le fim, chef-d'œuvre incontesté de l'histoire du cinéma, valorise l'action du Ku Klux Klan et réfute l'idée que les noirs puissent un jour s'intégrer à la société américaine. Des centaines des ces "films de races" littéralement furent produits pendant la période du muet, la plupart avec de très petits budgets. A partir de 1929, l'Industrie Hollywoodienne y verra un marché et s'emparera du genre qui sera dénaturé de force, puisque si l'intégralité du casting restera noir, les films seront dirigés par des producteurs et réalisateurs blancs et le genre tombera peu à peu en désuétude à la fin des années 50.


Peau blanche et masques noirs


L'importance de ces premiers "All Black Cast Movies" fut toujours négligée, et encore aujourd'hui une trop petite place leur est accordée dans les Histoires du Cinéma. Puisqu'ils s'étaient affranchis du système Hollywoodien et qu'ils étaient rarement remarqués par les critiques de l'époque, il leur était possible de traiter des problèmes sociaux et raciaux cruciaux de l'époque que les grandes Majores n'auraient jamais osé aborder. Plus important encore, il s'agissait des seuls films dans lesquels le public Afro-américain pouvait voir des membres de leur communauté représentés par des personnages intelligents et héroïques auxquels ils pouvaient s'identifier plutôt qu'aux personnages d'escrocs, de bouffons et de clochards paresseux par lesquels ils étaient le plus souvent représentés dans le Cinéma traditionnel. En effet, les premiers films hollywoodiens réalisés et produits par des blancs pour un public blanc intégraient des personnages noirs interprétés par des blancs grimés. Là réside un des grands paradoxes de l'époque ségragationniste où le mépris des blancs pour les noirs se mélangeait à une certaine admiration mal assumée. Si l'industrie rejette les Afro-Américains, elle n'en a pas moins été influencée par la culture noire. Souvenons-nous des premiers esclaves africains débarqués en Virginie à la fin du XVIIe siècle, ils ont apporté avec eux leurs "chants nègres" et leurs danses qui ont très vite interpellé le public blanc. Non content de s'approprier leur personne, les blancs ont aussi tenté de s'approprier la culture noire dans cette pratique bien connue que l'on appelle "ministrel show" ou "blackface ministrel". Cette pratique très en vogue au début du siècle et mise en exergue dans le célèbre The Jazz Singer (Alan Crosland, 1927) ou le plus récent Bamboozled – The Very Black Show (Spike Lee, 2000) était un spectacle de bouffonneries racistes dans lequel les acteurs blancs grimaient leur visage avec du cirage et singeaient des noirs. Il s'agissait des débuts d'une tradition de caricature de la communauté noire qui régna pendant longtemps dans l'industrie cinématographique. Il faudra attendre 1940 et Gone With The Wind (David O. Selznick, 1939) pour qu'une personne afro-américaine puisse assister à la cérémonie des Oscars non en tant que serviteur mais en tant qu'invitée, et ce n'est donc pas sans une certaine ironie que l'actrice Hattie McDaniel recevra un oscar pour son rôle de servante dans le film de Selznick. Peu après, certains acteurs commenceront à sortir de ces clichés, comme Lena Horne qui deviendra peu à peu la première actrice noire glamour de Holywood.

Minstrel Cakewalk - Cake Walk Dancing

De l'exploitation à la Blaxploitation

A partir de 1950, on voit monter une véritable classe moyenne afro-americaine que le cinéma reflète au travers des rôles et du parcours de Sidney Potier qui deviendra en 1963 le premier acteur de couleur à remporter l'Oscar du meilleur acteur. Mais tous ces acteurs doivent faire face à un double regard de leur communauté, il y a ce regard de ceux qui voient en eux et à leur accession à la starification l'espoir d'une égalité que la loi leur interdit encore. Et il y a un regard plus accusateur de soumission aux blancs. Si l'acteur Sidney Poitier se battait discrètement aux côtés de Martin Luther King, il était en effet très critiqué par les "Black Panther" pour donner une image lisse et soumise des noirs. C'est avec cet état d'esprit revendicatif et revanchard contre le cinéma classique que va naître au sein d'une révolution générale d'un "Nouvel Hollywood" dans les années 70 la "Blaxploitation". Ces films seront écrits, réalisés, produits par des Afro-Americains qui incarneront aussi pour la première fois tous les rôles qui leur étaient interdits en proclamant leur fierté d'être noir. Le genre s'essoufflera rapidement, mais connaîtra quelques succès comme la série des Shaft (Gordon Parks, 1971) notamment grâce à sa célèbre Bande Originale. C'est dans ce contexte explosif que le jeune Michael Jackson va rentrer dans le milieu du Show-business dès l'âge de 8 ans. Il va peu à peu s'inscrire dans une tradition de grands performers noirs américains qui ont écrit cette histoire du cinéma américain.


I - 1. - b)

b) Les grands performers noirs qui ont influencé Michael Jackson


" Mon talent était une arme, une force, un moyen de me défendre. C'était le seul moyen dont je disposais pour tenter de faire réfléchir la personne en face de moi "

Sammy Davis Jr


The Nicholas Brothers

Les Nicholas Brothers sont peut-être les meilleurs danseurs de claquettes noirs-américains qui furent. Les deux frères Fayard Nicholas (1914-2006) et Harlod Nicholas (1921-2000) mèneront une carrière sur 70 ans, du début des années 30, alors que le plus jeune, Harold, n'avait que 10 ans, à la fin des années 90 où les deux frères continueront à se produire sur scène, au cinéma et à la télévision. Ils sont devenus les stars du célèbre Cotton Club de Harlem en 1932 où ils étaient les seuls noirs autorisés à se mélanger avec les blancs. En 1938, le mythique club organisa un concours de danse entre eux et les Berry Brothers. Cette confrontation fut historique et les Nicholas Brothers réussirent à gagner le public. En effet, leur style parfaitement huilé était un mélange de maîtrise technique implacable et de prouesses athlétiques qu'ils réalisaient avec une facilité déconcertante, le tout enrobé dans une grâce absolue du mouvement. S'ensuivit une carrière à Brodway et à Hollywood sur plusieurs décennies, citons leur numéro le plus célèbre dans le final du film Stormy Weather (Andrew L. Stone, 1943) à propos duquel Fred Astaire déclara qu'il s'agissait du plus grand numéro de danse filmé qu'il eut jamais vu. Les Nicholas Brothers enseignaient aussi à la master class de claquettes de l'université d'Harvard et au Radcliffe College et l'on peut trouver parmi leurs élèves devenus célèbres Debbie Allen, Janet Jackson et … Michael Jackson.

Le plus grand numéro de comédie musicale de tous les temps.

Les Nicholas Brothers encore enfants

The Berry Borthers

Les Berry Brothers sont un trio de danseurs noirs américains régulièrement comparés aux Nicholas Brothers pour leurs fausses similarités dans leur style. En effet, les Nicholas et les Berry n'ont de commun que le Brother, le style encore plus acrobatique beaucoup plus développé chez les Berry Brothers font passer certaines de leurs chorégraphies pour de véritables performances sportives. Ils étaient réputés pour leur goût vestimentaire toujours très soigné et l'utilisation d'attributs comme le chapeau haut de forme et la canne qu'ils intégraient toujours dans leurs chorégraphies. Ils pratiquaient également un style de danse qui influença énormément Michael Jackson avec les techniques de "flash act" (mélange claquettes et mouvements plus acrobatiques), du "spin" (tour sur soi-même) et "freez and melt" que l'on pourrait traduire par "gel et degel", qui apparaît lorsqu'un mouvement dansé est suivi par un blocage de la position, avant de reprendre. Le "blocage" de position deviendra plus tard la base essentielle du "break-dance". Le trio était composé de Ananias, James et Warren Berry, ils furent actifs dans le milieu pendant plus de trente ans et apparurent dans des films tels que Lady Be Good (Norman Z. McLeod, 1941) ou You're My Everything (Walter Lang, 1949).

Bill Bailey

Bill Bailey (1912-1978) était un danseur de claquettes américain élève de Bill Robinson et frère de l'actrice Pearl Bailey. Bill Bailey est connu aujourd'hui pour avoir été le premier danseur à être filmé en effectuant le Moonwalk, appelé à l'époque Backslide, dans le film Cabin In The Sky (Vincente Minneli & Busby Berkley, 1943). Cependant, il est important de rappeler que ce mouvement de danse est fondamentalement basé sur une illusion d'optique : donner l'impression de marcher vers l'avant alors que l'on recule. Or l'angle de vue de cette première apparition dans le film de Minneli où Bailey est filmé de face ne permet pas de rendre l'effet souhaité. Bill Bailey refera le mouvement dans le film Showtime At The Apollo (Joseph Kohn, 1955) de profil cette fois, au moment de sortir de scène sous les applaudissements.

Version 1955

Buck and Bubbles

John William Sublett (1902 – 2986), plus connu par son nom de scène John W. Bubbles, était un chanteur danseur de vaudeville américain. Ford Lee Washington alias Buck était son pianiste, un musicien de talent. Bubbles fut une des principales inspirations de Michael Jackson, comme on peut le voir dans ce numéro du film Cabin In The Sky où il execute ce qui ressemble à l'ancêtre du Moonwalk tel que le pratiquait Michael Jackson, c'est à dire enchaîné d'un spin et d'un gel de position sur la pointe des pieds (2'15). Michael Jackson a aussi beaucoup étudié sa façon si particulière de jouer avec son chapeau dans ses chorégraphies, sa manière de cacher son visage avec et de créer des "blocages" de position très silhouettés qui restent dans la mémoire du spectateur encore bien après le dégel. Au milieu des années 80, Michael Jackson appellera son chimpanzé domestique du nom de Bubbles en mémoire de John Sublett.

Voir le passage à 2min15 plus toute fin de la vidéo, montée des escaliers

Dans cette vidéo, Bubbles effectue aussi la "marche contre le vent"

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Earl Tucker

Earl "Snakehips" (hanches de serpent) Tucker (1905-1932) s'est fait connaître par sa danse excentrique d'ondulation du corps qu'il rendit populaire à Harlem dans les années 20. Il met en place les premiers éléments qui donneront plus tard le "waving" qui consiste a faire onduler son corps comme une vague et le "sliding" qui est un déplacement latéral du corps. Son jeu de jambes souple et glissant inspira Michael Jackson ainsi que son lancé de jambes. Une de ses rares apparitions au cinéma se fait dans le court-métrage de 13 minutes Crazy House produit par la MGM en 1930.

Eleanor Powell

Eleanor Torrey Powell (1912-1982) était probablement une des meilleures danseuses hollywoodiennes des années 30 et 40, elle était d'ailleurs connue pour ses exubérants solos de claquettes. Même le grand Astaire était quelque peu intimidé par elle puisqu'elle était considérée comme la seule danseuse à pouvoir tenir la distance avec lui. Michael Jackson se retrouvera dans son jeu de jambes plus sautillant et léger que pouvait l'être ses camarades masculins, comme si elle dansait à 10 cm au dessus du sol. En tant que femme, Powell pouvait se permettre plus d'extravagances vestimentaires que les hommes et ses tenues parfois très flashys et paillettes ont certainement illuminé les yeux de Michael Jackson, comme cette idée de mettre des chaussettes blanches avec un pantalon noir un peu retroussé pour attirer le regarde du spectateur sur les pieds dansants. Encore plus subtile, il est fort possible que certains mouvements (involontaires ? ) d'Eleanor Powell que l'on pourrait caractériser comme "féminins", tels que passer sa main dans ses cheveux comme pour se recoiffer alors qu'elle effectue un "slidewalk" (2'32) en signe de désinvolture totale, soient des éléments qui, en plus des pas de danses techniques, apportent une caractérisation du danseur. Cette caractérisation sera énormément utilisée et amplifiée à travers l'usage du mime par Michael Jackson dans ses chorégraphies.

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Sammy Davis Jr


Sammy Davis à 7ans


Sammy Davis Jr. alias Samuel George Davis Junior (1925-1990) fut un artiste noir américain aux multiples talents comme danseur, chanteur, acteur, imitateur, musicien. Il fut une des principales sources d'inspiration pour Michael Jackson dans le sens où Sammy Davis Jr. a eu la chance de le connaître très tôt. Davis était un grand ami de Ed Sullivan, célèbre présentateur TV dans l'émission duquel les Jackson débuteront en 1969. Plus tard, Sammy Davis Jr. parlera de Michael Jackson comme de son fils, car il fut pour lui un mentor artistique et un modèle de carrière. En effet, Sammy Davis Jr jouait et chantait déjà dans des films à l'âge de 7 ans. Avec la seule force de son talent, il força le public blanc à l'accepter et l'aduler au point de pouvoir évoluer dans la seconde partie de sa carrière dans les plus hautes sphères du Show-business aux côtés de son vieil ami, le parrain du Showbizz, Frank Sinatra, ou Dean Martin avec qui il constituait le groupe des "Rat Pack". Devenu star incontournable, Sammy Davis Jr refusait de jouer dans les salles ou d'aller dans les hôtels et casinos qui pratiquaient la ségrégation. Cette force liée à sa capacité à attirer les foules contribua à l'arrêt des discriminations dans les clubs de Las Vegas, Miami Beach ou les casinos du Nevada.

Un des grands succès de Sammy Davis Jr. est le titre Mr. Bojangles. chanson hommage au grand danseur de claquettes Bill Robinson. Dans cette prestation télévisuelle, Sammy Davis Jr. concentre toute l'étendue de son talent, il chante, il danse, il interprète réellement la chanson et joue la comédie de la façon la plus sincère et poignante qui soit. Dans l'interprétation que Sammy fait de cette chanson, il est question de la hantise du danseur, de la vieillesse et de la façon dont elle prive peu à peu le danseur de ses capacités. Pourtant Bojangles dansait encore très bien à 60 ans. Sammy comprendra par la suite que lorsqu'il chantait cette chanson, c'est aussi et surtout de lui-même qu'il parlait, se voyant dans cette chanson et dans sa propre hantise de vieillir. Pour cette raison très personnelle, Sammy Davis Junior fera cette émouvante interprétation avec ce jeu et cette mise en scène si reconnaissable à chaque concert du reste de sa carrière. On trouve déjà regroupés dans cette prestation tous les ingrédients fondamentaux du show jacksonien : l'arrivée sur scène en silhouette, le jeu de lumière, la façon de jouer avec son chapeau, de le caresser, la décontraction dans l'interprétation, puis le final et cet unique projecteur venant du ciel, le jeu hésitant pour l'entrée dans la lumière, et la pause finale bras levé et jambes écartées. Tout est déjà là, en gestation.


À l'occasion de la cérémonie célébrant le soixantième anniversaire de Sammy Davis Jr., Michael Jackson lui écrira une chanson spécialement pour l'occasion et ne l'interprétera qu'à cette unique représentation au cours de sa carrière. You Were There raconte le chemin parcouru par Sammy Davis Jr., des barrières raciales qu'il a fait tomber, des portes qu'il a ouvertes aux artistes noirs au fil des années. La chanson rend hommage à cela et fait office de remerciement puisque Jackson considère qu'il est là grâce au parcours de Davis. Et là encore, il est toujours intéressant de constater comment la chanson destinée au maître s'applique on ne peut mieux à l'élève. Les paroles de You Were There sont parfaitement applicables à Michael Jackson lui-même comme nous le verrons plus tard.

Les Soul Train Music Awards, qui récompensent chaque année les meilleurs artistes noirs américains ont créé en 1989 un prix appelé le "Sammy Davis Jr. Award" récompensant le meilleur artiste de l'année, toutes catégories confondues. Michael Jackson sera naturellement le premier à le recevoir, et il le recevra exceptionnellement une seconde fois 20 ans plus tard à titre posthume comme meilleur artiste de l'année 2009.

A titre anecdotique, il est tout de même intéressant d'établir que Bill Robinson ne peut pas réellement être considéré comme une influence directe pour Michael Jackson, son style étant trop concentré exclusivement sur ses pieds. En effet Bill Robinson utilisait rarement la partie supérieure de son corps, mais s'armait d'un visage très expressif, soit le contraire absolu de Jackson qui dansait avec tout son corps et cherchait le plus souvent à dissimuler son visage ou à le rendre le plus sérieux et concentré possible. Lorsqu'une camera le surprendra à l'occasion d'une prestation télé en train de sourire pendant qu'il dansait, Jackson interviendra sur le montage de l'émission pour couper la prise "ratée" en arguant que "la danse est une chose sérieuse", soit à l'opposé totale de la joie dansée de Bojangles. Michael Jackson lui préférera la petite Shirley Temple, avec qui Robinson fit de nombreuses comédies musicales à la fin de sa carrière où il jouait le majordome de la petite fille, se retrouvant probablement plus dans son statut d'enfant star que dans son style de danse à proprement parler. Bill Robinson est devenu avec le temps le symbole de l'artiste noir dont la carrière fut entravée toute sa vie par le racisme ambiant de l'époque malgré son talent immense. Ce mur qui séparait les artistes noirs du public blanc était en train de perdre ses premières briques grâce aux coups donnés par Sammy Davis Jr., quand la fin des années 50 allait donner naissance à celui qui allait vingt ans plus tard faire voler ce mur en éclats.

I - 1. - c)

c) Il était une fois…



Il semble difficile pour les biographes de raconter l'histoire de Michael Jackson sans utiliser les ritournelles classiques du conte, de la fable et aujourd'hui de la légende, tant la vie de Michael Jackson semble d'emblée appartenir au domaine de la fiction. L'enfance du petit Michael est un conte rempli de personnages fantaisistes, de bonnes fées et d'ogres. Gary, Indiana. Le 28 août 1958, Katherine Esther Scruse et Joseph Jackson donnent naissance au petit Michael Joseph Jackson. Le petit Michael a neuf frères et sœurs : Maureen Reilette (Rebbie), Sigmund Esco (Jackie), Tariano Adaryl (Tito), Jermaine LaJune, LaToya Yvonne, Marlon, Steve Randall (Randy) et enfin Janet Damita Jo. La famille est nombreuse et pauvre, vivant entassée dans une maison minuscule comprenant seulement deux chambres et un salon. Mais la providence va toucher cette famille, un des enfants semble être béni des dieux, car les fées se sont penchées sur le berceau du petit Michael qui, par ses dons extrêmement précoces, va permettre à toute la famille de sortir de la misère.


Alors que ses grands frères commencent à jouer d'un instrument, bébé Michael est surpris par sa mère en train de se déhancher au rythme du tambourin de la machine à laver, et à quatre ans elle le verra imiter James Brown devant la télé. Lorsqu'il commence à pousser la chansonnette, petit Michael rejoint ses frères dans le groupe en formation : Les Jackson Brothers deviennent les Jackson Five. Mais le talent ne suffit pas, le petit Michael va devoir travailler dur, très dur même, et faire le plus grand des sacrifices : son enfance. Faisant un saut dans le temps, il va passer de bébé directement à la case adulte. Le patriarche de la famille, Joseph, est en fait un ogre qui terrorise ses enfants à coup de ceinturons. La famille subit de plein fouet la frustration de ce musicien raté qui fait travailler sans relâche ses enfants afin de les voir réussir là où lui avait échoué. Michael Jackson racontera plus tard cette époque en ces termes : “Il nous faisait répéter jusque très tard le soir. Il se tenait assis devant nous, une ceinture à la main. Un pas de danse raté et c’était un coup de ceinture. Quand ce n’était pas avec la ceinture, c’était avec du fil électrique qu’il nous fouettait. Ou alors il nous jetait contre le mur aussi fort qu’il le pouvait. J’entends encore ma mère lui crier… “Joe, arrête, tu vas le tuer !” Je crois qu’il n’a jamais réalisé à quel point nous avions peur de lui. Tellement peur que l’on en vomissait en entendant son pas dans l’entrée…" Le travail paye, et remportant concours de chant après concours de chant, les Jackson 5 finissent par arriver aux oreilles de la grande Motown.



La Maison de pain d'épices

La Tamla Motown est une toute nouvelle maison de disques, presque aussi jeune que le petit Michael lui-même (1959), qui s'est donné pour mission de ne produire que des artistes afro-américains en réponse à la ségrégation opérée par l'industrie musicale traditionnelle. Elle a notamment été le fer de lance d'artistes comme Diana Ross, Stevie Wonder, Smoky Robinson ou Marvin Gay. C'est dans une époque aux tensions sociales tendues et alors que les mouvements des droits civiques sont en plein ébullition aux Etats-Unis et que le pasteur Martin Luther King est assassiné en 1968, que les Jackson 5 se présentent à l'audition la plus importante de leur vie. Le 23 Juillet de cette même année, devant un des principaux dirigeants de la maison, les Jacksons se lancent dans l'interprétation de trois titres, Who's Loving You de Smokey Robinson & The Miracles, Tobacco Road de John D. Loudermilk et I Got The Feeling de James Brown. Les Jacksons impressionnent, surtout le petit James Brown miniature qui accapare tous les regards. En effet, le film de cette audition est symptomatique du rapport de Michael Jackson à l'image. Les Jackson 5 n'existent pas encore officiellement qu'ils n'existent déjà plus, leur tête est décapitée par le cadre de l'image qui ne suit que la petite boule d'énergie, il attire la caméra comme un aimant. Cette performance impressionne le public présent, et quelques jours plus tard, la fratrie et leur père signent. Michael Jackson a neuf ans.

Voici la première performance filmée de Michael Jackson, sa première apparition à l'écran. Il y restera toute sa vie.

La maison Motown est tenue par un ogre, encore un, Berry Gordy, qui tient ses artistes avec la même fermeté que l'ogre Joseph. On leur dit comment chanter, comment danser, comment s'habiller et marcher, comment répondre aux journalistes. La Motown est une école stricte, car elle a une identité forte, un son et un style reconnaissable entre mille, c'est le son de la jeunesse américaine. Petit Michael ne comprend pas encore très bien les enjeux de son dur labeur, mais il sait que s'il fait ce qu'on lui dit, le monde se fera plus doux. Mieux encore, il commence à prendre conscience de son pouvoir et est le seul à tenir tête à l'ogre Joseph : "Si tu me frappes encore, j'arrête de chanter !". Au final, Michael portera un regard bienveillant sur cette époque où tout allait encore bien au pays des Jackson, mais il est intéressant de voir dans ses propos comment lui-même et ceux qui l'entourent se voyaient personnage de conte, un conte à la Disney. Voici ce qu'il écrit dans son autobiographie Moonwalk paru en 1989 :

p.92

"Je ne voudrais pour rien au monde oublier le souvenir de cette période de fraternité totale. J'aimerais revivre ces journées. Nous étions comme les sept nains : chacun de nous avait sa personnalité. Jackie était l'athlète et le plus anxieux. Tito était à la fois fort et compatissant. Il adorait les voitures et il en cassait pas mal. Jermaine est celui qui était le plus proche de moi. (…) Marlon est le plus têtu et le plus determiné de nous tous."



Berry Gordy a l'idée de donner aux Jackson 5 une marraine, Diana Ross. L'enfant fait face pour la première fois à la "fictionisation" de sa vie, la version officielle est maintenant que c'est Diana Ross qui a découvert les Jackson 5 et lui-même n'a plus dix mais huit ans lors de sa première prestation publique avec sa marraine, Petit Michael découvre le showbiz. Le succès est fulgurant et sans précédent dans l'histoire de la musique américaine, leurs quatre premiers singles I Want You Back, ABC, The Love You Save et I'll Be There seront tous numéros un, le dernier pendant plus de cinq semaines consécutives, mieux que Elvis et les Beatles réunis. Les Jackson déménagent à Los Angeles, la moitié des frères vivent dans la Villa de Berry Gordy en attendant de se trouver leur propre maison, pour l'autre moitié l'histoire commence.

Sa voix est totalement maîtrisée, son sens du rythme époustouflant et il danse comme James Brown et Jackie Wilson, son talen paraît tellement précoce qu'en coulisse on le soupçonne un temps d'être un nain de 40 ans. Michael Jackson n'est déjà plus lui-même, le cadre de la réalité devient flou, et pire, son double fictionnel va se matérialiser devant ses yeux.

Les Jackson 5 font un cartoon



" Je suis un personnage de dessin animé "[1]


Au matin du 11 septembre 1971, la chaîne diffuse ABC diffuse le premier épisode du dessin animé The Jackson 5, produit par Rankin/Bass et Motown Productions. A l'âge où les autres enfants regardent des dessins animés, Petit Michael se voit en allumant son écran de télévision aux cotés de Scoobidou et de Bugs Bunny. Il est facile d'imaginer la confusion que cela peut produire chez un enfant, on sait à quel point le monde de l'enfance et du déssin-animé sont liés : Demandez à n'importe quel spectateur de cet âge si Mickey existe, il vous répondra avec certitude oui… quelque part.



Ainsi Petit Michael a son avatar cartoonisé, c'est bien lui, redessiné, mais doublé par un acteur qui imite sa voix. Les Jackson sont étrangers au processus de fabrication de la série qui arrive donc brute sur le poste de télé familiale, supprimant toute la machinerie de production qui d'habitude aide les enfants acteurs par exemple à dissocier le vrai de la fiction. Michael est, avec ses frères tout de même, le seul enfant au monde à pouvoir suivre ses propres aventures le samedi matin à la télévision. Car évidemment, l'histoire du dessin animé n'est pas celle de la vraie vie, même si elle a pour base cette réalité du groupe. Encore une fois, réalité et fiction se mélangent au sein de scenarii très pauvres : Michael et ses frères résolvent des enquêtes, répètent en pleine nature avec les animaux ou refont les contes comme Blanche-Neige et les Sept Nains ou le Magicien d'Oz version soul, de quoi bien enfoncer le clou dans les perte des repères du petit Michael. Suivant un principe Disneyen classique, Michael est ami avec des animaux dans la série, un serpent nommé Rosy, il aura plus tard effectivement pour amis des animaux comme son celèbre chimpanzé Bubbles (son meilleur ami dira-t-il) mais aussi un Boa Costructor nommé Muscles. Un détail parmi tant d'autres sur la tentative de Michael Jackson à tendre vers son double fictionnel. Dans le cartoon Michael est aussi ami avec deux petits rats, il en possédait aussi dans la vraie vie.



Ce devenir fictionnel qui guidera toute sa démarche artistique ultérieure est annoncé à la première image de chaque générique du Cartoon lorsque l'on voit le "vrai" Michael se transformer par un fondu rapide, sorte de morphing avant l'heure, en Michael de Cartoon. Ce toon (personnage de cartoon) est un Michael parfait, comme tous les personnages de dessins animés, évoluant dans un monde où le labeur et les ogres sont absents. Non seulement Petit Michael n'a pas eu d'enfance, mais il a été contraint de la voir se dérouler sur un écran de télévision, vécue par un double de lui-même dans un monde de fantaisie auquel il n'avait pas accès, lui qui vivait dans le monde bien réel des adultes. Nul doute que pour ce petit garçon, se voir en double dans le monde merveilleux du dessin animé déclenchera son envie de passer définitivement de l'autre coté de l'écran et de fuir ce monde réel qui est déjà trop lourd pour ses petites épaules. La série aura vingt-trois épisodes et s'achèvera en 1973.

Moonwalk, p.99

"J'ai aimé être un personnage de dessins animés. C'était super de se lever le samedi matin et de regarder nos personnages animés sur le petit écran. C'était comme une rêve devenu réalité. J'ai chanté la chanson du générique du film Ben (Phil Karlson) en 1972 et j'ai commencé à m'intéresser au cinéma à cette période."

Ce film d'horreur raconte l'histoire d'un jeune garçon solitaire qui a pour seul ami un rat nommé Ben, mais ce rat est également le chef d'une multitude de rats vicieux qui tuent nombre de personnes. D'aucuns trouveront le sujet du film peu ragoûtant et penseront qu'il ferait fuir bon nombre de chanteurs, mais le Petit Michael va tomber en empathie avec le jeune héros du film joué par Lee Montgomery. Il se reconnaît dans ce jeune garçon seul qui ne peut se faire des amis que parmi les animaux. Mais c'est surtout pour Michael Jackson l'occasion de mettre un pied dans le monde du cinéma.



Moonwalk p.99

"Ben a été très important pour moi. C'était terriblement excitant d'aller en studio pour mettre ma voix sur la bande son. J'ai adoré ça. Plus tard, quand le film est sorti, j'allais souvent le voir au cinéma et j'attendais le générique du film pour voir mon nom : "Ben, chanté par Michael Jackson" Ca m'impressionnait beaucoup."

La chanson devient numéro un et gagne le Golden Globe de la meilleure chanson de bande originale. Egalement nominé aux Oscars, Petit Michael ira chanter seul sa chanson à la 45ème cérémonie annuelle des Academy Awards devant le public du septième art.

Michael Jackson chante aux Oscars.



[1] Moonwalk, Michael Jackson, p118, Michel Lafon

I - 2. - a)

2. En route vers le cinéma

a) La télévsion, terrain d'experimentation


Taille de policeHe shook his head. 'See, I like show business. I listen to music all the time. I watch old movies. Fred Astaire movies. Gene Kelly, I love. And Sammy [Davis]. I can watch these guys all day, twenty-four hours a day. That's what I love the most.' [1]

Propos de Michael Jackson rapporté dans Michael Jackson, The Magic & The Madness, J. Randy Taraborrelli


1973. Michael est à deux doigts de réaliser son rêve. Cherchant à rentabiliser au maximum la popularité de ses fils, Joseph tente de faire tourner les Jackson 5 dans un film écrit et mis en scène par Raymond St. Jacques Isoman Cross and Sons. Dans ce film, les cinq frères devaient interpréter des esclaves du XIXe siècle, mais Berry Gordy ne voyait clairement pas ce virage d'image pour le groupe d'un bon œil. Ce dernier rentra en conflit avec le père Joseph et mit tout en œuvre pour que le film ne se fasse pas, il obtiendra gain de cause. Michael est dépité, son rêve est de jouer la comédie. Il se console comme il peut et doit se contenter ce que lui offre la télévision : des sketchs minables avec rires préenregistrés. Cependant, Michael est un enfant qui n'a pas souvent eu l'occasion de s'amuser et il prend plaisir à jouer ces petites scénettes avec ses frères et ses amis les stars, surtout lorsqu'elles s'appellent Diana Ross. En emménageant chez la chanteuse soul à 10 ans, il est naturellement tombé amoureux de la Diva. Diana Ross restera jusqu'à la fin le véritable amour de sa vie, ils auront par la suite une aventure supposée que Michael racontera dans la chanson Remember The Time, on suppose également que la chanson Dirty Diana n'est pas étrangère à Ross. Enfin il lèguera dans son testament la garde de ses enfants ( après sa mère Katherine ) à celle qu'il aurait souhaité épouser dit-on.



On retrouve donc le petit Michael, jouant au papa et à la maman avec son amoureuse de quinze ans son aînée, à jouer au gangster (Frank Sinatra), aux cow-boys, tout ce à quoi joue les enfants de son âge, sauf que lui le faisait devant des caméras. Cependant, comme on l'a vu précédemment, l'atout majeur de Michael Jackson, et ce depuis son plus jeune âge, est d'avoir une très grande capacité d'assimilation. De la même manière qu'il va apprendre toutes les ficelles du métier en observant les géants tels que Stevie Wonder au travail dans les studios de la Motown, il va apprendre sur les plateaux de télévision. Le petit Michael est extrêmement curieux comparé à ses frères qui se laissent porter par le métier, lui veut en percer les mystères de fabrication, comment écrit et compose-t-on une chanson, comment l'enregistre-t-on, savoir qui fait une bonne prestation scénique, comment marche une caméra. Il va donc apprendre sur les plateaux de télévision les bases techniques des métiers de l'audio-visuel sur les répétions, le jeu d'acteur (lui et ses frères prennent des cours d'acting et de comédie via la Motown), le placement des caméras, la lumière, le son et bientôt même les techniques de montage n'auront plus de secrets pour lui.



Les Jackson 5 grandissent et commencent à voir leur succès baisser, le petit Michael si mignon pour le public arrive à l'adolescence, sa voix mue et son visage change.

Moonwalk p.95

"Mon physique a commencé à changer vers l'âge de quatorze ans, J'ai commencé à grandir. Les gens qui ne me connaissaient pas, avant de me rencontrer, s'attendaient à trouver un mignon petit Michael Jackson quand ils entraient dans une pièce et ils passaient à côté de moi sans me voir. Je disais : " C'est moi, Michael." Ils me regardaient d'un drôle d'air. Michael était un petit garçon adorable. Moi j'étais devenu une grande asperge dégingandée. (…) Quand je me suis vu la première fois dans ma glace avec d'horribles boutons sur tous les pores de ma peau, j'aéi crié "OH NON ! (…) J'en étais profondément déprimé et je sais à quel point ce problème peut miner une personne. J'étais très perturbé par mon aspect physique"



Si les fées s'étaient penchées sur son berceau, le petit Michael semblait s'être transformé en vilain crapaud. Lui qui est scruté par les cameras depuis ses dix ans ne supporte pas cette transformation physique sur laquelle il n'a aucun contrôle, il essaiera vainement de refuser d'apparaître en public de la sorte, mais son père ne lui laissera pas ce choix. Joseph Jackson participe à ce mal-être en appelant son fils "Big Nose" (Gros Nez), ses frères en profitent également pour se moquer du petit chéri de la famille. En 1976, la carrière des frères Jackson commence à battre de l'aile, aussi la famille accepte-t-elle de faire une série d'émissions pour CBS pendant tout l'été : The Jackson Summer Variety Show. Michael a toujours été contre cet idée :

Moonwalk p.118

"Ils se sont plantés complètement. Nous étions habillés avec des costumes ridicules et nous devions jouer des stupidités, avec des rires en boîte. Tout était bidon. (…) Le problème avec la télé, c'est qu'il faut tout faire en un minimum de temps. On n'a pas le temps de fignoler. (…) Moi je suis d'un tempérament perfectionniste. J'aime faire les choses le mieux possible. (…) Pendant le tournage, je me souviens que l'éclairage était minable, les décors bâclés, et notre chorégraphie improvisée à la dernière minute."

Comme souvent, Michael va devoir plier sous la pression familiale qui ne voit dans cette opération que de la promo facile. Michael Jackson est pourtant en train peu à peu de se trouver artistiquement, il prend conscience de ce qu'il aime et de ce qu'il veut faire le jour où il ne sera plus sous le joug familial. Il va donc se servir de ces shows et de la télévision comme d'un véritable territoire d'expérimentation. En effet, si le show est un moyen de chanter les grands tubes des Jackson 5, devenus The Jacksons en signant avec CBS, les numéros libres donnent à Michael la possibilité de prendre enfin quelques décisions artistiques. Il va poser les bases de ses influences et de ses maîtres de la comédie musicale Hollywoodienne en leur rendant hommage à travers des numéros de danse pour l'émission, comme pour dire : "Voilà ce que j'aime, voilà d'où je pars". En recopiant ainsi ses maîtres, Michael Jackson fait son apprentissage.



Retour aux sources

Un passage de témoin surprenant arrive au milieu de l'émission du 19 Janvier 1977 lorsque Michael Jackson annonce "the world famous Nicholas Brothers". Fayard et Harold, respectivement agés de 63 et 56 ans, font alors leur entrée sur scène sous les applaudissements d'un public qui n'a aucune idée de leur identité. Les deux frères ne sont évidemment plus capables de refaire leur incroyable numéro des escaliers de Stormy Weather, mais leur style est toujours perceptible. La première partie du numéro se déroule dans une certaine pénombre, comme si les danseurs que l'on voyait n'étaient qu'un souvenir en noir & blanc de ce qu'ils furent, les vieux frères refont une des figures qui les caractérisent, déjà présente dans le film d'Andrew L. Stone, où la rythmique de leurs pieds répond à des phrases mélodiques courtes. Puis Michael Jackson fait son entrée, il ramène avec lui la lumière et la jeunesse sur la piste de danse. Les maîtres et l'élève (rappelons qu'à la même époque Michael prenait réellement des cours de claquette sous la direction des Nicholas Brothers à l'Université de Harvard) sont enfin sur la même scène. On retrouve alors dans le jeune Michael l'énergie et la vitalité des jeunes Nicholas de la vieille époque et bien qu'il n'ait pas encore atteint leur virtuosité, Michael Jackson bouge et tap dance avec une grâce indéniable

Quelques émissions après, l'occasion est donnée à Michael de faire éclater ses talents de tap dancers et de rendre hommage à ses deux plus grandes idoles du genre : Gene Kelly et Fred Astaire. C'est d'ailleurs à cette époque qu'il rencontre pour la première fois Fred Astaire. Dans un premier numéro, il commence par chanter la chanson They Can't Take That Away From Me écrit par George et Ira Gershwin et chanté par Fred Astaire dans le film Shall We Dance, au bras de sa sœur LaToya, esquissant quelques pas de danse timides avant de reprendre le célèbre Gotta Dance de Gene Kelly dans Singing In The Rain (Stanley Donen & Gene Kelly, 1952). Il enchaîne alors sur Puttin' On The Ritz popularisé par la célèbre version de Fred Astaire dans le film Blue Skies (Stuart Heisler, 1946) alors que le rideau s'ouvre, laissant apparaître le reste de la famille Jackson en costard queue de pie et chapeau haut de forme dans un décor tout droit sorti de la comédie musicale avec Fred Astaire et Ginger Rogers Top Hat (Mark Sandrich, 1935).



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Alors que ses frères font comme toujours de la figuration, Michael Jackson commence à montrer toute l'étendue de son talent. Plus tôt dans l'émission, il avait effectué des mouvements de break-dance parfaits, comme le célèbre pas du "Robot". La danse qu'il mettra au point quelques années plus tard sera basée sur la fusion de tous ces genres qu'il a réussi à maîtriser dans les années 70. Il représentera la fusion entre l'énergie de James Brown et la grâce de Fred Astaire. Michael Jackson commence à maîtriser la danse moderne dans toute son étendue, sa notoriété lui permet de rencontrer en chair et en os ses idoles qui toutes témoigneront de sa grande curiosité à leur égard. Michael Jackson a soif d'apprendre, il est comme une éponge qui absorbe tout ce qui lui a précédé. Sammy Davis Jr. racontera lors d'un gala à travers une imitation de Michael comment celui-ci procédait. Dans les années soixante-dix et début quatre-vingt, il n'était pas aussi facile qu'aujourd'hui d'accéder à des vieux films pour les étudier, aussi Michael demandait-il directement à ses idoles s'il pouvait leur emprunter les cassettes de leur films afin de les étudier en détails et d'apprendre d'eux.

Michael Jackson a alors ainsi appris des plus grands, des Nicholas Brohers à Sammy Davis Jr, de Gene Kelly à Fred Astaire. C'est comme cela qu'il forgera sa cinéphilie et découvrira ses films références que sont West Side Story (Jerome Robbins & Robert Wise, 1961) et The Band Wagon (Vincente Minnelli, 1953) avec Astaire. Son amour pour le film de Minnelli transparaît lors d'une des dernières émissions du Jackson Variety Show, où Michael Jackson lui rend un hommage appuyé ainsi qu'à Fred Astaire. Le décor urbain reprend celui du tableau final du film : "The Girl Hunt Ballet", on remarque également le lampadaire de Singing In The Rain ( présent également dans Black Or White (John Landis, 1991)) auquel Michael va finir par s'agripper comme Gene Kelly dans le film. Michael chante la chanson "Get Happy" qu'il a découverte chantée par Judy Garland dans Summer Stock (Charles Walters, 1950), autre film avec Gene Kelly. Au-delà de la célèbre chanson qu'il reprend ici, la mise en scène de la prestation de Judy Garland sur ce morceau du film influencera considérablement Michael Jackson pour sa performance scénique de sa propre chanson "Dangerous" vingt ans plus tard. Mais revenons au numéro télévisé: Michael Jackson est habillé exactement comme Fred Astaire dans le film de Minnelli, il effectue exactement les mêmes pas de danse que lui dans le film (le spin plus blocage, une des marques d'Astaire , la même mise en scène, des danseuses s'agrippent à ses jambes en glissant sur le sol comme Cyd Charisse a pu le faire aux grandes jambes de Fred Astaire. On sent dans le numéro sa volonté de coller à la légèreté classique d'Astaire. Puis l'action se déplace dans un autre décor, pourtant toujours un décor de The Band Wagon. Michael change d'habits, et se lance dans un vrai numéro de claquettes avant que les danseuses de fond enchaînent en cœur le "I Got Rhythm" de Gershwin. Michael termine le numéro par le saut grand écart des Nicholas Brothers, la boucle est bouclée ! Michael Jackson a laissé ses encombrants frères en coulisse, il commence à se trouver lui-même et montre l'étendue de son talent de danseur. Ce numéro dont le format show télévisé peut nuire à l'appréciation qualitative de la performance proposée n'est rien d'autre que l'ébauche brouillonne de son chef-d'œuvre Smooth Criminal qu'il réalisera douze ans plus tard. Petit à petit, Michael Jackson se rapproche du cinéma, il ne s'en doute pas encore, mais il va bientôt avoir l'occasion d'appartenir à cette histoire de la comédie musicale hollywoodienne qu'il chérit tant, dans la reprise du film majeur de l'âge d'or du musical : Le Magicien d'Oz.



[1] "Il secoua sa tête. 'Tu vois, j'aime le show business. J'écoute de la musique tout le temps. Je regarde des vieux films. Des films de Fred Astaire. Gene Kelly, j'adore. Et Sammy Davis. Je peux regarder ces gars toute la journée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C'est ce que j'aime le plus."