mardi 22 juin 2010

I - 1. - b)

b) Les grands performers noirs qui ont influencé Michael Jackson


" Mon talent était une arme, une force, un moyen de me défendre. C'était le seul moyen dont je disposais pour tenter de faire réfléchir la personne en face de moi "

Sammy Davis Jr


The Nicholas Brothers

Les Nicholas Brothers sont peut-être les meilleurs danseurs de claquettes noirs-américains qui furent. Les deux frères Fayard Nicholas (1914-2006) et Harlod Nicholas (1921-2000) mèneront une carrière sur 70 ans, du début des années 30, alors que le plus jeune, Harold, n'avait que 10 ans, à la fin des années 90 où les deux frères continueront à se produire sur scène, au cinéma et à la télévision. Ils sont devenus les stars du célèbre Cotton Club de Harlem en 1932 où ils étaient les seuls noirs autorisés à se mélanger avec les blancs. En 1938, le mythique club organisa un concours de danse entre eux et les Berry Brothers. Cette confrontation fut historique et les Nicholas Brothers réussirent à gagner le public. En effet, leur style parfaitement huilé était un mélange de maîtrise technique implacable et de prouesses athlétiques qu'ils réalisaient avec une facilité déconcertante, le tout enrobé dans une grâce absolue du mouvement. S'ensuivit une carrière à Brodway et à Hollywood sur plusieurs décennies, citons leur numéro le plus célèbre dans le final du film Stormy Weather (Andrew L. Stone, 1943) à propos duquel Fred Astaire déclara qu'il s'agissait du plus grand numéro de danse filmé qu'il eut jamais vu. Les Nicholas Brothers enseignaient aussi à la master class de claquettes de l'université d'Harvard et au Radcliffe College et l'on peut trouver parmi leurs élèves devenus célèbres Debbie Allen, Janet Jackson et … Michael Jackson.

Le plus grand numéro de comédie musicale de tous les temps.

Les Nicholas Brothers encore enfants

The Berry Borthers

Les Berry Brothers sont un trio de danseurs noirs américains régulièrement comparés aux Nicholas Brothers pour leurs fausses similarités dans leur style. En effet, les Nicholas et les Berry n'ont de commun que le Brother, le style encore plus acrobatique beaucoup plus développé chez les Berry Brothers font passer certaines de leurs chorégraphies pour de véritables performances sportives. Ils étaient réputés pour leur goût vestimentaire toujours très soigné et l'utilisation d'attributs comme le chapeau haut de forme et la canne qu'ils intégraient toujours dans leurs chorégraphies. Ils pratiquaient également un style de danse qui influença énormément Michael Jackson avec les techniques de "flash act" (mélange claquettes et mouvements plus acrobatiques), du "spin" (tour sur soi-même) et "freez and melt" que l'on pourrait traduire par "gel et degel", qui apparaît lorsqu'un mouvement dansé est suivi par un blocage de la position, avant de reprendre. Le "blocage" de position deviendra plus tard la base essentielle du "break-dance". Le trio était composé de Ananias, James et Warren Berry, ils furent actifs dans le milieu pendant plus de trente ans et apparurent dans des films tels que Lady Be Good (Norman Z. McLeod, 1941) ou You're My Everything (Walter Lang, 1949).

Bill Bailey

Bill Bailey (1912-1978) était un danseur de claquettes américain élève de Bill Robinson et frère de l'actrice Pearl Bailey. Bill Bailey est connu aujourd'hui pour avoir été le premier danseur à être filmé en effectuant le Moonwalk, appelé à l'époque Backslide, dans le film Cabin In The Sky (Vincente Minneli & Busby Berkley, 1943). Cependant, il est important de rappeler que ce mouvement de danse est fondamentalement basé sur une illusion d'optique : donner l'impression de marcher vers l'avant alors que l'on recule. Or l'angle de vue de cette première apparition dans le film de Minneli où Bailey est filmé de face ne permet pas de rendre l'effet souhaité. Bill Bailey refera le mouvement dans le film Showtime At The Apollo (Joseph Kohn, 1955) de profil cette fois, au moment de sortir de scène sous les applaudissements.

Version 1955

Buck and Bubbles

John William Sublett (1902 – 2986), plus connu par son nom de scène John W. Bubbles, était un chanteur danseur de vaudeville américain. Ford Lee Washington alias Buck était son pianiste, un musicien de talent. Bubbles fut une des principales inspirations de Michael Jackson, comme on peut le voir dans ce numéro du film Cabin In The Sky où il execute ce qui ressemble à l'ancêtre du Moonwalk tel que le pratiquait Michael Jackson, c'est à dire enchaîné d'un spin et d'un gel de position sur la pointe des pieds (2'15). Michael Jackson a aussi beaucoup étudié sa façon si particulière de jouer avec son chapeau dans ses chorégraphies, sa manière de cacher son visage avec et de créer des "blocages" de position très silhouettés qui restent dans la mémoire du spectateur encore bien après le dégel. Au milieu des années 80, Michael Jackson appellera son chimpanzé domestique du nom de Bubbles en mémoire de John Sublett.

Voir le passage à 2min15 plus toute fin de la vidéo, montée des escaliers

Dans cette vidéo, Bubbles effectue aussi la "marche contre le vent"

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Earl Tucker

Earl "Snakehips" (hanches de serpent) Tucker (1905-1932) s'est fait connaître par sa danse excentrique d'ondulation du corps qu'il rendit populaire à Harlem dans les années 20. Il met en place les premiers éléments qui donneront plus tard le "waving" qui consiste a faire onduler son corps comme une vague et le "sliding" qui est un déplacement latéral du corps. Son jeu de jambes souple et glissant inspira Michael Jackson ainsi que son lancé de jambes. Une de ses rares apparitions au cinéma se fait dans le court-métrage de 13 minutes Crazy House produit par la MGM en 1930.

Eleanor Powell

Eleanor Torrey Powell (1912-1982) était probablement une des meilleures danseuses hollywoodiennes des années 30 et 40, elle était d'ailleurs connue pour ses exubérants solos de claquettes. Même le grand Astaire était quelque peu intimidé par elle puisqu'elle était considérée comme la seule danseuse à pouvoir tenir la distance avec lui. Michael Jackson se retrouvera dans son jeu de jambes plus sautillant et léger que pouvait l'être ses camarades masculins, comme si elle dansait à 10 cm au dessus du sol. En tant que femme, Powell pouvait se permettre plus d'extravagances vestimentaires que les hommes et ses tenues parfois très flashys et paillettes ont certainement illuminé les yeux de Michael Jackson, comme cette idée de mettre des chaussettes blanches avec un pantalon noir un peu retroussé pour attirer le regarde du spectateur sur les pieds dansants. Encore plus subtile, il est fort possible que certains mouvements (involontaires ? ) d'Eleanor Powell que l'on pourrait caractériser comme "féminins", tels que passer sa main dans ses cheveux comme pour se recoiffer alors qu'elle effectue un "slidewalk" (2'32) en signe de désinvolture totale, soient des éléments qui, en plus des pas de danses techniques, apportent une caractérisation du danseur. Cette caractérisation sera énormément utilisée et amplifiée à travers l'usage du mime par Michael Jackson dans ses chorégraphies.

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Sammy Davis Jr


Sammy Davis à 7ans


Sammy Davis Jr. alias Samuel George Davis Junior (1925-1990) fut un artiste noir américain aux multiples talents comme danseur, chanteur, acteur, imitateur, musicien. Il fut une des principales sources d'inspiration pour Michael Jackson dans le sens où Sammy Davis Jr. a eu la chance de le connaître très tôt. Davis était un grand ami de Ed Sullivan, célèbre présentateur TV dans l'émission duquel les Jackson débuteront en 1969. Plus tard, Sammy Davis Jr. parlera de Michael Jackson comme de son fils, car il fut pour lui un mentor artistique et un modèle de carrière. En effet, Sammy Davis Jr jouait et chantait déjà dans des films à l'âge de 7 ans. Avec la seule force de son talent, il força le public blanc à l'accepter et l'aduler au point de pouvoir évoluer dans la seconde partie de sa carrière dans les plus hautes sphères du Show-business aux côtés de son vieil ami, le parrain du Showbizz, Frank Sinatra, ou Dean Martin avec qui il constituait le groupe des "Rat Pack". Devenu star incontournable, Sammy Davis Jr refusait de jouer dans les salles ou d'aller dans les hôtels et casinos qui pratiquaient la ségrégation. Cette force liée à sa capacité à attirer les foules contribua à l'arrêt des discriminations dans les clubs de Las Vegas, Miami Beach ou les casinos du Nevada.

Un des grands succès de Sammy Davis Jr. est le titre Mr. Bojangles. chanson hommage au grand danseur de claquettes Bill Robinson. Dans cette prestation télévisuelle, Sammy Davis Jr. concentre toute l'étendue de son talent, il chante, il danse, il interprète réellement la chanson et joue la comédie de la façon la plus sincère et poignante qui soit. Dans l'interprétation que Sammy fait de cette chanson, il est question de la hantise du danseur, de la vieillesse et de la façon dont elle prive peu à peu le danseur de ses capacités. Pourtant Bojangles dansait encore très bien à 60 ans. Sammy comprendra par la suite que lorsqu'il chantait cette chanson, c'est aussi et surtout de lui-même qu'il parlait, se voyant dans cette chanson et dans sa propre hantise de vieillir. Pour cette raison très personnelle, Sammy Davis Junior fera cette émouvante interprétation avec ce jeu et cette mise en scène si reconnaissable à chaque concert du reste de sa carrière. On trouve déjà regroupés dans cette prestation tous les ingrédients fondamentaux du show jacksonien : l'arrivée sur scène en silhouette, le jeu de lumière, la façon de jouer avec son chapeau, de le caresser, la décontraction dans l'interprétation, puis le final et cet unique projecteur venant du ciel, le jeu hésitant pour l'entrée dans la lumière, et la pause finale bras levé et jambes écartées. Tout est déjà là, en gestation.


À l'occasion de la cérémonie célébrant le soixantième anniversaire de Sammy Davis Jr., Michael Jackson lui écrira une chanson spécialement pour l'occasion et ne l'interprétera qu'à cette unique représentation au cours de sa carrière. You Were There raconte le chemin parcouru par Sammy Davis Jr., des barrières raciales qu'il a fait tomber, des portes qu'il a ouvertes aux artistes noirs au fil des années. La chanson rend hommage à cela et fait office de remerciement puisque Jackson considère qu'il est là grâce au parcours de Davis. Et là encore, il est toujours intéressant de constater comment la chanson destinée au maître s'applique on ne peut mieux à l'élève. Les paroles de You Were There sont parfaitement applicables à Michael Jackson lui-même comme nous le verrons plus tard.

Les Soul Train Music Awards, qui récompensent chaque année les meilleurs artistes noirs américains ont créé en 1989 un prix appelé le "Sammy Davis Jr. Award" récompensant le meilleur artiste de l'année, toutes catégories confondues. Michael Jackson sera naturellement le premier à le recevoir, et il le recevra exceptionnellement une seconde fois 20 ans plus tard à titre posthume comme meilleur artiste de l'année 2009.

A titre anecdotique, il est tout de même intéressant d'établir que Bill Robinson ne peut pas réellement être considéré comme une influence directe pour Michael Jackson, son style étant trop concentré exclusivement sur ses pieds. En effet Bill Robinson utilisait rarement la partie supérieure de son corps, mais s'armait d'un visage très expressif, soit le contraire absolu de Jackson qui dansait avec tout son corps et cherchait le plus souvent à dissimuler son visage ou à le rendre le plus sérieux et concentré possible. Lorsqu'une camera le surprendra à l'occasion d'une prestation télé en train de sourire pendant qu'il dansait, Jackson interviendra sur le montage de l'émission pour couper la prise "ratée" en arguant que "la danse est une chose sérieuse", soit à l'opposé totale de la joie dansée de Bojangles. Michael Jackson lui préférera la petite Shirley Temple, avec qui Robinson fit de nombreuses comédies musicales à la fin de sa carrière où il jouait le majordome de la petite fille, se retrouvant probablement plus dans son statut d'enfant star que dans son style de danse à proprement parler. Bill Robinson est devenu avec le temps le symbole de l'artiste noir dont la carrière fut entravée toute sa vie par le racisme ambiant de l'époque malgré son talent immense. Ce mur qui séparait les artistes noirs du public blanc était en train de perdre ses premières briques grâce aux coups donnés par Sammy Davis Jr., quand la fin des années 50 allait donner naissance à celui qui allait vingt ans plus tard faire voler ce mur en éclats.

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