mardi 22 juin 2010

I - 1. - a)

I. MICHAEL JACKSON, UN REVE DE CINEMA


1. Replacer Michael Jackson dans une histoire des performeurs noirs americains de la comédie musicale


a) Les comédies musicales noires hollywoodiennes dites "All Black Casting"

Il fut une époque en noir et blanc. Une époque où noirs et blancs étaient séparés à l'écran comme à la ville. Au début du siècle, il existait aux Etats-Unis quelques centaines de salles de Cinéma dites "Colored Movie Houses" appartenant et gérées par des Afro-américains pour un public Afro-américain. Le public noir ne pouvait se rendre que dans ces salles spécialisées pour voir les "Race Films" et "All-Black Cast movies" qui, comme leur nom l'indiquent, étaient des films dont la totalité du casting était noir, ainsi que le réalisateur et la totalité du reste de l'équipe. Ces films étaient faits par des producteurs indépendants noirs pour un public noir. A cause de leur exclusion de l'industrie principale, des réalisateurs indépendants comme Oscar Micheaux commencèrent à créer leurs propres maisons de production de films entièrement réalisés par des noirs américains. Oscar Micheaux est considéré aujourd'hui comme un pionnier du cinéma américain, mais il est surtout le premier cinéaste noir américain à s'être battu contre l'hégémonie de la blanche Hollywood en réalisant le premier film afro-americain The Homesteader (1919) et surtout Within Our Gates (1920) qui sont des critiques de l'emblématique et raciste The Birth of a Nation (D.W. Griffith, 1915). Le fim, chef-d'œuvre incontesté de l'histoire du cinéma, valorise l'action du Ku Klux Klan et réfute l'idée que les noirs puissent un jour s'intégrer à la société américaine. Des centaines des ces "films de races" littéralement furent produits pendant la période du muet, la plupart avec de très petits budgets. A partir de 1929, l'Industrie Hollywoodienne y verra un marché et s'emparera du genre qui sera dénaturé de force, puisque si l'intégralité du casting restera noir, les films seront dirigés par des producteurs et réalisateurs blancs et le genre tombera peu à peu en désuétude à la fin des années 50.


Peau blanche et masques noirs


L'importance de ces premiers "All Black Cast Movies" fut toujours négligée, et encore aujourd'hui une trop petite place leur est accordée dans les Histoires du Cinéma. Puisqu'ils s'étaient affranchis du système Hollywoodien et qu'ils étaient rarement remarqués par les critiques de l'époque, il leur était possible de traiter des problèmes sociaux et raciaux cruciaux de l'époque que les grandes Majores n'auraient jamais osé aborder. Plus important encore, il s'agissait des seuls films dans lesquels le public Afro-américain pouvait voir des membres de leur communauté représentés par des personnages intelligents et héroïques auxquels ils pouvaient s'identifier plutôt qu'aux personnages d'escrocs, de bouffons et de clochards paresseux par lesquels ils étaient le plus souvent représentés dans le Cinéma traditionnel. En effet, les premiers films hollywoodiens réalisés et produits par des blancs pour un public blanc intégraient des personnages noirs interprétés par des blancs grimés. Là réside un des grands paradoxes de l'époque ségragationniste où le mépris des blancs pour les noirs se mélangeait à une certaine admiration mal assumée. Si l'industrie rejette les Afro-Américains, elle n'en a pas moins été influencée par la culture noire. Souvenons-nous des premiers esclaves africains débarqués en Virginie à la fin du XVIIe siècle, ils ont apporté avec eux leurs "chants nègres" et leurs danses qui ont très vite interpellé le public blanc. Non content de s'approprier leur personne, les blancs ont aussi tenté de s'approprier la culture noire dans cette pratique bien connue que l'on appelle "ministrel show" ou "blackface ministrel". Cette pratique très en vogue au début du siècle et mise en exergue dans le célèbre The Jazz Singer (Alan Crosland, 1927) ou le plus récent Bamboozled – The Very Black Show (Spike Lee, 2000) était un spectacle de bouffonneries racistes dans lequel les acteurs blancs grimaient leur visage avec du cirage et singeaient des noirs. Il s'agissait des débuts d'une tradition de caricature de la communauté noire qui régna pendant longtemps dans l'industrie cinématographique. Il faudra attendre 1940 et Gone With The Wind (David O. Selznick, 1939) pour qu'une personne afro-américaine puisse assister à la cérémonie des Oscars non en tant que serviteur mais en tant qu'invitée, et ce n'est donc pas sans une certaine ironie que l'actrice Hattie McDaniel recevra un oscar pour son rôle de servante dans le film de Selznick. Peu après, certains acteurs commenceront à sortir de ces clichés, comme Lena Horne qui deviendra peu à peu la première actrice noire glamour de Holywood.

Minstrel Cakewalk - Cake Walk Dancing

De l'exploitation à la Blaxploitation

A partir de 1950, on voit monter une véritable classe moyenne afro-americaine que le cinéma reflète au travers des rôles et du parcours de Sidney Potier qui deviendra en 1963 le premier acteur de couleur à remporter l'Oscar du meilleur acteur. Mais tous ces acteurs doivent faire face à un double regard de leur communauté, il y a ce regard de ceux qui voient en eux et à leur accession à la starification l'espoir d'une égalité que la loi leur interdit encore. Et il y a un regard plus accusateur de soumission aux blancs. Si l'acteur Sidney Poitier se battait discrètement aux côtés de Martin Luther King, il était en effet très critiqué par les "Black Panther" pour donner une image lisse et soumise des noirs. C'est avec cet état d'esprit revendicatif et revanchard contre le cinéma classique que va naître au sein d'une révolution générale d'un "Nouvel Hollywood" dans les années 70 la "Blaxploitation". Ces films seront écrits, réalisés, produits par des Afro-Americains qui incarneront aussi pour la première fois tous les rôles qui leur étaient interdits en proclamant leur fierté d'être noir. Le genre s'essoufflera rapidement, mais connaîtra quelques succès comme la série des Shaft (Gordon Parks, 1971) notamment grâce à sa célèbre Bande Originale. C'est dans ce contexte explosif que le jeune Michael Jackson va rentrer dans le milieu du Show-business dès l'âge de 8 ans. Il va peu à peu s'inscrire dans une tradition de grands performers noirs américains qui ont écrit cette histoire du cinéma américain.


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