mardi 22 juin 2010

I - 3. - c)







a) La Revolution

1er décembre 1982, Thriller arrive dans les bacs des disquaires du monde entier. Il est nécessaire de s'arrêter quelque peu sur cet album légendaire afin de comprendre en quoi la révolution cinématographique qui se produit au même moment que son apogée musicale n'est pas un hasard. La pochette de l'album est le contraire de celle d'Off The Wall. Sur cette dernière Michael pose debout, chemise blanche et costard noir, sur Thriller, Michael est accoudé, chemise noir et veste blanche. La coupe affro est partie, Michael Jackson a retouché son nez et décrêpé ses cheveux. Pour l'album suivant Bad, la métamorphose s'amplifie on pourra parler de négatif de l'album Thriller : Michael est devenu blanc, son habit noir ressort sur le fond blanc. Entre Off The Wall et Bad, dix ans d'une évolution de son image et de la musique. Dans Thriller, la fusion des genres pop/rock/funk/soul est encore plus large et plus explosive que pour le dernier opus, Michael Jackson s'adresse dorénavant à un public mondial, il n'est plus question de donner une couleur à un genre musical : la fusion est la solution. Thriller est à ce jour l'album le plus vendu de tous les temps, ses ventes sont estimées entre 55 et 118 millions de copies, chiffres impossibles à vérifier. Pour la première fois de l'histoire de la musique, sept chansons sur neuf issues d'un seul et même album sortent en single. L'album est resté trente-sept semaines numéro un du Billboard 200, dont deux fois dix-sept semaines consécutives. À partir de la mi-février 1983, Thriller s'écoulait à un million d'exemplaires chaque semaine. Aucun album n'a à ce jour battu ce record. C'est toute la face de la musique moderne qui s'en est trouvée bouleversée. Mais Michael Jackson veut aller plus loin que la musique, il a un plan :

Moonwalk p.200

"Les trois vidéos qui ont été tirées de Thriller, - Billie Jean, Beat It et Thriller -, sont des concepts que j'ai créés pour l'album. J'étais décidé à présenter cette musique de la façon la plus visuelle possible. Je me souviens que je regardais ce que faisaient les gens avec la vidéo, et je trouvais ça aberrant, tellement pauvre et primitif. Je regardais les mômes avaler toute cette médiocrité et périr d'ennui parce qu'il n'y avait rien d'autre. J'ai toujours eu envie de donner le maximum dans tout ce que j'entreprends, alors pourquoi travailler autant sur un album et tout massacrer en produisant une vidéo minable ? Je voulais quelque chose qui vous colle à votre siège, quelque chose que vous auriez envie de regarder sans arrêt. Je voulais donner de la qualité aux gens. Je voulais aussi être un pionnier dans cette aventure et réaliser les meilleurs films musicaux, les meilleurs clips, que je préfère appeler "film". Sur le tournage, je parlais toujours du "film" que nous étions en train de faire, et c'est mon approche. Je voulais m'entourer des gens les plus talentueux du business – le meilleur réalisateur, le meilleur directeur de la photographie, le meilleur éclairagiste… Nous ne filmions pas en vidéo mais en 35 mm. C'était sérieux."


Billie Jean



En mars 1983, Michael Jackson s'apprète à mettre son plan à execution. Fort du succès de l'album, il s'entretient avec de nombreux réalisateurs qui ne lui présentent rien de véritablement palpitant, il veut viser plus haut, trouver la perle rare. Il se heurte donc à une certaine incompréhension de la part des producteurs de CBS qui va quand même investir plus de deux cent cinquante mille dollars pour la réalisation de la vidéo, une grosse somme pour l'époque. Pour ne plus être freiné par des questions d'argent, il produira par la suite lui-même les films de Beat It et Thriller. Michael finit par engager le réalisateur Steve Baron. Ce dernier réalisera l'année suivante son premier long-métrage Electric Dreams et surtout le film des Tortues Ninjas : Teenage Mutant Ninja Turtles en 1990. Baron amène avec lui un concept pour le clip et l'idée que l'histoire racontée n'ait aucun rapport avec le texte de la chanson plut énormément à Michael. Si la chanson parle d'une groupie clamant que Michael est le père de son enfant, une situation à laquelle il a souvent été confronté avec ses frères, le clip est une filature, un jeu de cache-cache entre Michael et un detective/photographe mystérieux. On se rappelle que Michael était à l'étroit dans la cadre de la télévision, pourtant ici il le réduit, par un cadre dans le cadre, pour mieux le délimiter. Si l'on tourne encore en vidéo, les archétypes visuels du cinéma (l'image est-elle projetée dans une salle obscure ?) sont bien présents, les fonds sont des décors peints de façon outrancière et l'esthétique reprend les clichés du film noir. Du noir et blanc, une ombre sur le sol, sur un mur, une main gantée, des pieds rasent le mur, le visage d'un homme avec lunettes de soleil et chapeau apparaît, mais malgré cette description ce n'est pas Michael. Une poubelle et des pieds qui dépassent, un chat blanc, l'homme tire sur sa cigarette et l'écrase à la John Wayne, une ambiance est posée, quelque chose se trame, ce clip n'est pas comme les autres. Une pièce est jetée en l'air, image classique du film de gangster, on pense bien sur à Scareface de Howard Hawks (1932), puis la magie se produit. Les pieds de Fred Astaire illuminent les dalles sur le sol. Décontracté, chemise sur l'épaule, nœud papillon proportionné, Michael Jackson est maintenant adulte et sûr de lui, à l'image de ce petit chat devenant tigre en l'espace d'un cut. On ne rigole plus, Michael Jackson sort ses griffes. Il joue un personnage surnaturel, insaisissable ni par le détective ni pas l'appareil photo du magasin.



On retrouve alors Michael là où on l'avait laissé au cinéma, si l'on peut dire, sur la Yellow Brick Road devenu une route de dalle lumineuse. Toujours en quête de cinéma, le fond est bel et bien artificiel et toute l'image respire la fabrication studio style années 50. Le réalisateur était contre, Michael lui impose cette séquence dansée : le spleen, les pointes, tous ces mouvements ont été improvisés sur le tournage, raconte-t-il. Mais c'est là que le bas blesse. Malgré ses tentatives stylistiques et sa narration osée, Billie Jean reste un vidéo-clip. En effet, il incorpore une multitude d'effets vidéos aussi nombreux qu'inutiles, on y retrouve donc : des ralentis, des accélérations, des split-screeen (écran divisé en plusieurs), des arrêts sur image, etc. On constate malgré tout un certain crescendo et une montée en tension dans la mise en scène. Michael monte dans la chambre de cette supposée Billie Jean. Ayant vu son nom sur le journal du détective, on peut logiquement penser qu'il s'agit de sa chambre. La gardienne de l'immeuble qui voit Michael appelle les flics, mais Michael disparaît une fois de plus sous les draps avant que le détective n'ait pu prendre sa photo. C'est lui qui se fait embarquer par la police. Si le scénario est un peu décousu et presque sous-entendu, il y a quand même un début, un milieu et une fin, une résolution à l'histoire. Michael montrait une nouvelle facette de lui-même, il avait la classe, il était mystérieux et évanescent. Surtout, Michael Jackson était maintenant un danseur qui s'assumait en tant que tel.



Faire tomber le mur

Billie Jean était numéro un partout aux Etats-Unis, surtout depuis sa prestation au Motown 25th sur laquelle nous reviendrons, mais MTV ne diffusait pas le vidéo-clip. Et pour cause : le taux de diffusion des artistes noirs sur la chaîne était de seulement 3% ! Mark Goodman, l’un des programmateurs de MTV ne cacha pas à David Bowie, qui s’étonnait de l’absence d’artistes noirs à l’antenne, que celle-ci reposait sur des motifs exclusivement raciaux. La version officielle étant que la musique noire appartenait à un genre, celui de la soul, et qu'MTV était une chaîne de Pop et Rock&Roll. Cela ne leur posait cependant pas de problème pour diffuser Phil Collins reprenant le You Can't Hurry Love de Diana Ross and The Supremes. Lorsque les vidéos des artistes noirs étaient proposées à la chaîne, elles étaient systématiquement refusées car elles n'étaient pas "rock & roll". Entre le public blanc et les artistes noirs se dressait l'obscurantisme des médias professant un racisme purement théorique. C'est alors que CBS (qui avait dépensé plus d’un quart de million de dollars pour la vidéo de Billie Jean – soit 10 fois le prix habituel d’un vidéo-clip) fit savoir qu’aucun produit CBS ne serait plus disponible pour MTV tant qu’on y verrait pas Michael Jackson danser le long de la route de dalles lumineuses. La démarche était forte et sans précédent. Michael était flatté d'être soutenu de la sorte par sa maison de production. La chaîne finit par céder. Michael Jackson raconte ce moment crucial[1] :

"Ils disaient qu'ils ne passaient pas de videos d'[artistes Noirs]. Cela m'a brisé le coeur, mais en même temps cela a déclenché quelque chose en moi. Je me disais: "Il faut que je fasse quelque chose... je refuse d'être ignoré". Alors, oui, pour Billie Jean, ils ont dit qu'ils "n'allaient pas la diffuser".

Mais lorsqu'is l'ont fait, cela leur a donné une audience record. Après cela, ils me demandaient TOUT ce que j'avais à proposer. C'est eux qui frappaient à notre porte. Puis Prince est arrivé, et MTV lui a ouvert ses portes, ainsi qu'aux autres artistes noirs. Au départ cette chaîne ne jouait que du Heavy Metal 24h/ 24. Juste un mélange d'images folles...

Ils sont venus me voir dans le passé à plusieurs reprises en disant: "Michael, sans toi, il n'y aurait pas de MTV". Ils me l'ont répété, sans arrêt, en privé. J'en conclus qu'ils ne l'avaient pas entendu à l'époque... Mais je suis sûr qu'ils me l'ont dit sans aucune aigreur ou arrière pensée"



Une fois Billie Jean sur orbite, les murs tombèrent et les standards téléphoniques explosèrent, saturés par les demandes des téléspectateurs fascinés. En l'espace d'un mois, MTV consacra plus de temps d'antenne aux chanteurs noirs qu’elle ne leur en avait concédé depuis sa création. Michael Jackson ouvrit alors l'écran à une cohorte d'artistes de couleur tels que Prince ou Tina Turner – une percée que l’artiste résumait en ces mots à Sammy Davis Jr, l’un des pionniers de la cause, à l'occasion d'une de ses compositions inédites : "Yes, you were there, and thanks to you, there's now a door, we all walk thrue"[2] Parlant à Sammy Davis Jr, Michael Jackson parlait de lui-même, il avait en effet ouvert la porte aux damnés de MTV, aux refoulés de l'Amérique. Et comme le craignait les dirigeants de la chaîne, il allait effrayer le public blanc… pour son plus grand plaisir !


Thriller



Apothéose de son triptyque filmique, Thriller fut le premier vidéo-clip conçu comme un véritable film de cinéma, un court-métrage musical avec "un début, un milieu et une fin" comme il aimait à le rappeler. Pour son projet, Michael Jackson avait besoin d'un réalisateur qui vienne du milieu du cinéma, mais avec un regard suffisamment décalé pour pouvoir s'adapter à ce nouveau médium. Grand admirateur du An American Werewolf in London (John Landis, 1981), Michael Jackson contacta John Landis. Comme ce fut souvent le cas au cours de sa vie lorsque Michael Jackson passe un coup de téléphone, ce dernier pense d'abord à un canular. Landis n'est pas très chaud dans un premier temps, il ne veut pas faire de clip, Michael doit alors lui expliquer qu'il ne veut pas non plus faire un clip…mais un film. Ensemble, ils doivent faire venir le cinéma à eux.



Le film en lui-même adopte une narration complexe, la première partie (celle du Loup-Garou ) serait un phantasme filmique, la deuxième partie ( celle des zombies ) ne serait qu'un rêve, et la dernière partie la réalité. Pourtant les yeux maléfiques du dernier plan peuvent remettre en question la "non-réalité" des événements passé,s était-ce bien un rêve ? Déjà le film de Landis An American Werewolf In London usait de ce principe de confusion. A plusieurs moments du film, les personnages se réveillent dans un cauchemar, il leur faut alors se réveiller plusieurs fois sans garantie pour le spectateur que ce qui se déroule devant nos yeux soit bien la réalité. Parce que le rythme de Thriller est très soutenu, on suit le film sans réellement comprendre, il faut repenser le film, revoir le film encore et encore. Une relecture globale est nécessaire puisque tout est remis en question. Les 14 minutes de ce film révèlent une mise en abyme vertigineuse des désirs cinématographiques du chanteur, Michael se voit lui-même sur l'écran de cinéma, pop-corn et petite amie, il jubile à la fois acteur et spectateur de son propre phantasme. Il va donner au cinéma un rôle central dans son film, le cinéma sera pour Thriller un décor, un film avec Vincent Price, une dimension parallèle où phantasme et réalité se rejoignent et une source d'inspiration de tous les instants. Le cinéma d'horreur et le cinéma en général est en fait un des thèmes de Thriller.




Michael Jackson répète son rôle chez lui


Thriller s'inspire de l'univers des films d'horreur chers à Michael. On voit donc sur le cinéma une multitude d'affiches de films de Vincent Price, qui pose sa voix grave et ténébreuse lors d'un "rap" sur la fin de la chanson, auquel Thriller fait référence : The Mad Magician (John Brahm, 1954), House of Wax (André De Toth, 1953), The Mask of the Red Death (Roger Corman, 1964). Mais aussi un clin d'œil du réalisateur avec l'affiche du film Schlock (John Landis, 1973), film sur lequel travaillait déjà Rick Baker, responsable des maquillages et transformations ultra réalistes d'An American Werewolf In London (pour lesquels il remporta l'oscar du meilleur maquillage en 1982) et qui sera donc chargé de transformer Michael Jackson en Loup-Garou et en Zombie. Mais "Schlock" est aussi le terme générique qu'on donne aux mauvais films de monstres des années 50/60, autrement dit des films dont on voit les affiches dans l'entrée du cinéma. Ces films sont ringards pour certains et cultes pour d'autres, on voit bien de quel côté se placent Michael Jackson et John Landis. Thriller se veut une fusion (comme toujours avec Michael) subtile des genres, aussi retrouve-t-on dans le film tous les codes des "schlock" : le jeune couple en balade romantique tombant en panne au milieu de la forêt, la nuit de pleine lune, le loup-garou, les zombies sortant du cimetière, la maison abandonnée de Psycho (Alfred Hitchock, 1960), bien que ce dernier film n'appartienne évidemment pas aux "schlock".



Cependant, Thriller devient beaucoup plus qu'un simple film hommage à ces vieux films des années 50 lorsqu'il intègre en plein milieu du récit un véritable numéro de comédie musicale. La chorégraphie mise au point par Michael Jackson et Michael Peters a été spécifiquement étudiée pour ne pas avoir l'air ridicule, en effet le danger était grand de faire de cette danse avec des zombies un moment des plus comiques. Cela frôle le grotesque et c'est justement pour cette raison que le film est touché par une certaine grâce poétique. Les quelques repères qui nous restaient s'effondrent. On ne sait plus très bien si c'est Michael Jackson qui s'est perdu dans un film de George A. Romero ou si ce sont ces morts-vivants qui se sont égarés dans une comédie musicale. La fusion est parfaite et terrifiante. Terrifiante parce que cette sarabande mêlant morts et vivants cherche à envoûter la jeune fille comme elle envoûte le spectateur, le visage fermé et mort de ces zombies fait froid dans le dos lorsqu'ils regardent la camera, et par extension le spectateur, pendant qu'ils effectuent leur pas désarticulés. Cette danse macabre est un moment en suspend car aussitôt la chorégraphie terminée, les zombies reprennent leur marche et la fille se réfugie dans une maison abandonné. Michael Jackson redevient zombie et la narration cinématographique reprend ses droits sur la musique. Ils laissent la chanson derrière eux car fondamentalement le film ne sert pas de socle au single, il existe pour lui même. Le film raconte une histoire soutenue par une chanson et recycle ainsi le principe ancestral de la comédie musicale hollywoodienne classique. Cette synthèse inédite des genres permet au film d'échapper à toute classification connue, il est donc impossible de voir le film comme une parodie. Michael Jackson intègre les genres, les fusionne, les mélange, en fait un cocktail explosif mais toujours dans un respect absolu de leur tradition cinématographique.



Les Damnés de la musique noir



L'influence majeure de la seconde partie de Thriller est bien évidemment le film de George A. Romero Night Of The Living Dead de 1968. Michael Jackson reprend à son compte la figure moderne du zombie que Romero a crée avec son film. Rappelons que le zombie est probablement la figure symbolique la plus importante inventée au cours du Nouvel Hollywood : Mouvement de contestation dans le cinéma américain des années 70 qui se posait en opposition du Cinéma Classique Hollywoodien qui existait jusqu'alors. Il est considéré par certains comme le second âge d'or d'Hollywood. Symbole de la révolution, image du refoulé de l'Amérique, porte-parole des minorités qui imposent leur présence dans le cadre (comme Michale Jackson imposa la sienne sur MTV). Le premier zombie de Night Of The Living Dead fait son apparition depuis le fond du cadre, à l'horizon et s'approche. Cette mise en scène évoque le retour, il marque le retour du refoulé du cinéma américain classique.



Le zombie cristallise ce refoulé, il est le monstre, le vampire, le loup-garou, l'indien, le noir resté hors champ, dans le domaine de l'invisible. Or, dans Thriller, les morts sortent véritablement de leur tombe, ce qui veut dire que ces minorités qui se révèlent n'ont jamais eu droit au cadre. Il n'y a pas de retour pour eux, c'est un allé simple véritablement inédit. Les zombies jacksonniens sont noircis par la terre de laquelle ils se sont extirpés. Ils sont les artistes noirs qui n'avaient jamais eu accès à la lumière des projecteurs et qui sortent des tombes musicales si souvent pillées par les artistes blancs. Ils sont les Bill Robinson, les Nicholas Brothers, les Berry Brothers, les Bill Bailey et autres Buck and Bubbles qui n'ont pu accéder à une notoriété égale à celle des artistes blancs en leur temps et dont la reconnaissance de leur talent fut un bien plus dur labeur. Si Michael Jackson allait devenir le premier noir à se déguiser en blanc, il n'oubliait pas tous ces blancs qui avaient usurpé l'identité des noirs lors des minstrel show, à l'instar d'un certain "Chanteur de Jazz", en 1927[3].



Avec Thriller, Michael Jackson insuffle une nouvelle énergie à la figure Romerienne du Zombie, il lui insuffle une énergie qu'il puise dans sa musique, la sienne. C'est évidemment le "beat" tonitruant et le riff de cette double note de basse funky qui fait trembler la terre et réveille les morts. C'est la musique qui a avant tout permis de faire cette révolution nouvelle des morts-vivants de la musique noire américaine. Il ne fallait pas seulement entendre (sur les ondes) mais voir de façon la plus globale et mondialisée possible ce que pouvait offrir de mieux la musique noire en 1982, c'était une double révolution, le chanteur produisait de la musique à voir.

"Michael Jackson a permis aux Noirs de se voir enfin à l'écran et, plus encore, de mirer ce qu'ils avaient enfanté de plus brillant."[4]



La sortie du film fut un événement mondial, avec bandes-annonces, making-of en cassette (idée geniale que reprendra le milieu du cinéma, les ventes de ces cassettes servirent à financer le film, ce fut la plus grosse vente de cassette vhs au monde) et diffusion en prime time. Ce fut également l'occasion pour toute une génération de jeunes américains de découvrir leur premier film d'horreur à la télévision à une heure de grande écoute. Avec Thriller, Michael Jackson fit alors durablement exploser les barrières qui séparaient les artistes noirs d’un large public multiracial. En témoigne d’ailleurs le dernier plan du film : le chanteur se retourne vers la caméra, yeux et sourire terrifiants, l'image se fige et dans un rire démoniaque il semble dire « Maintenant je suis là, et pour longtemps ! »





[1] Ebony Magazine, Michael Jackson 25 years after Thriller, décembre 2007

[2] "Oui, tu étais là, et grâce à toi, il y a maintenant une porte, à travers laquelle nous pouvons tous passer"

[3] The Jazz Singer, de Alan Crosland, 1927. Premier film parlant de l'histoire du cinéma. Al Jolson dans le film chante et se déguise en noir selon la tradition du Black Face.

[4] Sylvie Laurent, La couleur raturée, un entretien pour le Hors-Série Michael Jackson la vraie histoire, Les Inrockuptibles, 2009

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