mardi 22 juin 2010

I - 2. - b)

b) The Wiz


Michael Jackson dans sa salle de cinéma.


"I watch movies constantly and envision how it would have been if I could have been the star. I wanted nothing more than to be a movie star". [1]

Propos de Michael Jackson rapporté dans Michael Jackson, The Magic & The Madness, J. Randy Taraborrelli


En 1977, Michael Jackson a dix-neuf ans et le temps est venu pour lui de prendre son émancipation, et son émancipation va se faire à travers la réalisation de son rêve : devenir acteur dans un film de cinéma. A cette époque, la Berry Gordy's Motown Productions acquiert les droits de The Wiz, une comédie musicale basée sur le classique de L. Frank Baum The Wonderful World of Oz. The Wiz est en fait la version All Black Casting du Magicien d'Oz qui avait ouvert à Brodway en Janvier 1975 et avait gagné huit Tony awards. Diana Ross voulait prendre en main sa carrière et prouver à Berry Gordy, son amant à l'époque, qu'elle n'était pas qu'une chanteuse et avait une vision créatrice. Le fait de jouer à trente ans le rôle de Dorothy, une fillette de douze ans dans l'histoire originale, ne semblait pas lui poser problème. Berry Gordy donna alors toute la responsabilité de la distribution au producteur Rob Cohen qui recruta le réalisateur Sidney Lumet qui avait déjà réalisé Serpico (1973), Dog Day Afternoon (1975) et bien sûr 12 Angry Men (1957), mais jamais de comédie musicale. Très vite, Ted Ross et Nipsey Russell furent engagés pour jouer le Lion et l'Homme de Fer, on retrouve également dans le casting Richard Pryor et la regrettée Lena Horne. Rob Cohen voulait engager Michael Jackson pour le rôle de l'épouvantail dès le début et chargea Diana Ross de lui en faire part. Contre toute attente, bien que Michael Jackson ait vu la pièce à Brodway une demi-douzaine de fois et qu'il n'en revenait pas de pouvoir réaliser son rêve d'acteur au côté de Diana Ross, il était réticent. En effet, la famille Jackson était en mauvais terme avec Berry Gordy depuis le départ des Jackson 5 de la Motown et Michael pensait que Berry userait de son influence pour le faire éjecter du projet, mais Diana le rassura sur ce point. Quelques jours après son audition, Sidney Lumet lui téléphona pour lui annoncer qu'il avait le rôle. Mais Michael devait faire face à un autre obstacle de taille sur sa route vers le cinéma : les Jackson. Joseph ne voyait jamais les entreprises individuelles d'un bon œil, il voulait un film avec tous les frères ou pas de film du tout. Mais il sentait le mal-être de Michael et son besoin de liberté, J. Randy Taraborrelli raconte l'entretien que Michael eut avec son père dans sa biographie encyclopédique de la star Michael Jackson, The magic & The madness. Il est à noter que c'est à cette période que Michael Jackson cesse d'appeler son père "Papa" et se réfère désormais à son prénom.

" - Je fais le film Joseph, j'espère que tu me supporteras!"

- Et bien, si je ne peux pas t'en dissuader, vas-y et fais-le ! Mais ne vient pas me dire que je ne t'avais pas prévenu. C'est une grosse erreur."

Michael s'énerve.

" - Tu es toujours en train de nous parler des "winners" et des "loosers". Maintenant tu me dis de ne pas faire quelque chose où je sais que je peux être un "winner". "

Joseph doit reconsidérer ses propos.

" - C'est risqué, Michael !

- Bien sûr, comme tous les risques que tu as pris, Jospeh, Comme tous ceux que tu as pris pour nous amener où nous sommes aujourd'hui !

- Tu as raison, dit-il avec un sourire, fais le film, Michael. Lance toi, c'est toi le boss. Mais rappelle toi toujours d'une chose !

- "Winners" et "loosers" ?

- Non, rappelle-toi que tu es un membre de cette famille, et un membre d'un groupe de musique avec tes frères, quoi que tu fasses. La famille, Michael, c'est tout !"

Voilà le genre de pression auquel Michael Jackson était confronté lorsqu'il essayait de prendre quelque décision sur l'orientation de sa carrière. Rob Cohen se rappelle des motivations de Michael : "Je dois faire ce film pour des raisons personnelles lui a-t-il dit, Il y a des choses que je dois me prouver à moi-même et à quelques autres aussi." The Wiz était une bouffée d'air frais pour Michael qui pouvait pour la première fois échapper à la pression de son père et à la négativité jalouse de ses frères.



Le tournage du film débuta le 3 Octobre 1977 au Astoria Studios. Michael travaillait six jours par semaine et devait se réveiller à quatre heures du matin tous les jours pour se faire maquiller pendant cinq heures par Stan Wilson. Michael Jackson découvre les joies du déguisement, il ne cessera de se déguiser toute sa vie par la suite, même dans la vie de tous les jours. Le déguisement était pour lui autant un moyen de changer de peau que de retrouver l'anonymat.



"J'adorais ça, j'étais l'épouvantail du moment que le maquillage était posé sur moi au moment où il était retiré, chose que je détestais." Parfois il rentrait chez lui en portant encore le maquillage, c'était une façon bien heureuse de cacher son acné, confie-t-il. La préparation se déroulait parfaitement bien jusqu'au jour où l'on sentit quelques tensions entre Michael et Diana. Cette dernière le prit à part lors d'une des répétitions au St George Hotel de Brooklyn et lui dire qu'elle et le reste du casting étaient embarrassés, en effet si Michael Jackson était déjà un danseur accompli, ce n'était pas le cas de Diana et des autres acteurs. Ces derniers étaient gênés par la rapide assimilation des pas de danses et des chorégraphies des numéros. Par la suite, Michael dut faire semblant de ne pas tout intégrer rapidement pour se mettre au niveau des autres. Sidney Lumet : "Michael Jackson est l'artiste le plus talentueux depuis James Dean. C'est un acteur et un danseur brillant, peut-être un des plus grands artiste avec lequel j'ai jamais travaillé."



Michael Jackson était pourtant quelque peu inquiet avant le tournage, bien qu'il crût en lui comme il l'avait assuré à son père, car son expérience sur les plateaux de télévision du Jackson Variety Show était une préparation bien insuffisante pour jouer un rôle dans un grand film comme celui-ci. Il suivit attentivement les conseils de ses amis acteurs et prit son personnage de l'Epouvantail à bras le corps, il se voyait réellement en lui : "Ce que j'aime à propos de mon personnage c'est sa confusion. Il sait qu'il a des problèmes, mais il ne sait pas pourquoi il les a ou comment il les a eus. Et il comprend qu'il voit les choses différemment des autres, mais il n'arrive pas à mettre le doigt sur la raison. Il n'est pas comme les autres. Personne ne le comprend. Alors il continue à travers toute sa vie avec cette confusion. Tout le monde pense qu'il est très spécial, mais en réalité, il est très triste… très triste." On voit bien dans la description de son personnage la digression qui le conduit à parler de lui-même. Sa volonté de ne pas quitter le déguisement était déjà un indice : lui est l'Epouvantail ne font qu'un. Comme tous les rôles qu'il interprètera par la suite, Michael Jackson n'arrivera jamais à faire la distinction entre le personnage fictif qu'il interprète et lui-même.


You Can't Win



Le film offre à Michael Jackson un numéro pour lui tout seul avec le morceau You Can't Win. Cependant l'ironie frappe sa première apparition dans une comédie musicale au cinéma. En effet, lui qui est un danseur hors pair se retrouve attaché à un poteau, immobilisé lors de toute la chanson comme l'exige son rôle d'épouvantail. Michael Jackson offre une belle prestation sur cette chanson écrite par Charlie Smalls et, bien qu'il soit attaché, arrive à capter l'attention du spectateur avec sa performance vocale. En effet la fin du morceau offre l'occasion d'entendre Michael Jackson chanter avec une voix très grave, lui qui est toujours considéré pour avoir une petite voix fluette et aiguë. On retrouve donc son personnage de Scarecrow (épouvantail en anglais) en haut de son piquet en train de se faire mener en bateau et humilier par les corbeaux qui l'obligent à chanter. Bien que la chanson soit une allusion au traitement des noirs en Amérique et à leur impossibilité de pouvoir s'émanciper dans la société, comment ne pas voir le parallèle avec la situation personnelle à laquelle est confronté Michael Jackson avec sa famille à cette époque? Lui qui se sent de plus en plus prisonnier de cette famille qui se moque de lui (son "Big Nose" comme l'appellent ses frères est dans le film une véritable patate écrasée), l'empêche de prendre son envol et l'oblige comme les corbeaux (au nombre de quatre, comme ses frères) à chanter avec eux :

"You can't win

You can't break even

And you can't get out of the game"

"Tu ne peux pas gagner, tu ne peux pas t'en sortir et tu ne peux pas sortir du jeu "

On se rappelle son père qui lui disait ne pouvoir être un "winner" en sortant du cercle familial, voilà exactement ce que disent les paroles de cette chanson et la famille Jackson sont ces corbeaux. On peut même parfois reconnaître dans le discours des corbeaux celui de Joseph Jackson dès que son fils tente de parler d'émancipation :

"Nous, tes bons amis les corbeaux, qui avons dédié toute notre vie à ton éducation. Tu dois honorer les corbeaux." Car tu fais partie d'une communauté, et les corbeaux Jackson utilisent la naïveté de l'Epouvantail Michael pour se nourrir allègrement. Mais Michael est prêt à prendre son envol, il va trouver sa voie, c'est ce que raconte le film, Michael Jackson est prêt à arpenter la route de briques jaunes.




[1] "Je regarde des films constamment et imagine comment cela aurait été si j'avais été la star. Je ne voulais rien de plus qu'être une star de cinéma."

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